La Fondation de l’Ecologie Politique est partenaire du Green European Journal. Cet article est la version française d’un article paru en anglais sur le site du Green European Journal sous le titre ‘A Food Policy for Europe‘.
Olivier De Shutter est professeur de droit international à l’Université Catholique de Louvain UCL). Il a assumé entre 2008 et 2014, le mandat de rapporteur spécial pour le droit à l’alimentation du Conseil des droits de l’homme à l’Organisation des Nations unies. Il est, depuis 2015, membre du Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU.
À Bruxelles, les regards se tournent à nouveau vers la politique agricole commune (PAC). Le cycle de réformes qui a été amorcé pourrait mener à des ajustements supplémentaires de la PAC après 2020. Le succès de ces réformes a tendance à être évalué en termes politiques : une réforme PAC « réussie » consisterait à recadrer et rééquilibrer ingénieusement une politique créée il y a 60 ans et à en modifier l’image de manière à répondre à l’évolution des attentes et à répartir le mécontentement plus ou moins équitablement.
Pourtant, une réforme de la PAC considérée comme réussie selon cette définition peut n’avoir aucun impact significatif sur la création de systèmes alimentaires durables en Europe. Les limites de la PAC ne résultent pas seulement ce qu’elle fait, mais de ce qu’elle ne fait pas et ne peut pas faire en tant que politique agricole.
L’Europe a besoin de toute urgence d’une politique alimentaire (ou « politique alimentaire commune »). Il y a cinq motifs principaux de vouloir cette transition, et il y a cinq raisons de dire que le moment est venu.
1. Aligner les politiques sur les mêmes objectifs – rapprocher les différentes politiques publiques
La première raison est la plus évidente. La manière dont nous produisons et consommons les aliments est influencée par toute une série de politiques, des subventions accordées aux agriculteurs aux choix des cantines scolaires, des allégations nutritionnelles et de santé figurant sur les produits alimentaires aux stratégies de marketing de l’industrie alimentaire, des règlements de zonage au rôle que jouent les associations caritatives dans la distribution des invendus aux familles dans le besoin, des programmes d’aide au revenu aux campagnes de sensibilisation à l’importance d’une alimentation saine, et des politiques visant à améliorer l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée aux politiques commerciales. Ces politiques relèvent de la compétence de différents ministères : agriculture, santé, environnement, enseignement, affaires sociales et commerce.
Les politiques actuelles au niveau de l’UE sont hautement sectorialisées et mal alignées. Par exemple, alors que certaines mesures de développement rural figurant dans le deuxième pilier de la PAC visent à soutenir la viabilité des petites exploitations, les politiques de sécurité alimentaire de l’UE imposent à ces agriculteurs, de l’avis unanime, un fardeau réglementaire qu’ils ne peuvent pas se permettre. De même, bien que les politiques de développement de l’UE aident les agriculteurs des pays en voie de développement à soutenir la concurrence sur leurs propres marchés et que l’UE se soit engagée à assurer « la cohérence des politiques pour le développement » (en d’autres termes, les politiques qui affectent les pays en voie de développement devraient soutenir, et non entraver, les efforts de développement), les politiques de commerce agricole continuent à encourager les agriculteurs européens de secteurs tels que le secteur laitier et celui de la viande porcine à rechercher de nouveaux marchés d’exportation (y compris par des mesures de promotion des exportations), ce qui entraîne une concurrence déloyale sur les marchés locaux des producteurs des pays en développement. Pour prendre un troisième exemple, dans le cadre de Accord de Paris sur le climat et des Objectifs de développement durable, l’UE a pris des engagements audacieux dans le domaine de la lutte contre les changements climatiques. Cependant, bien qu’une agriculture plus écologique puisse avoir un impact majeur sur la capacité de l’UE à respecter ces engagements, la plupart des politiques en vigueur continuent à encourager les économies d’échelle dans de grandes unités de production, ainsi que l’utilisation de moyens hautement industrialisés de production et de transformation des aliments, c’est-à-dire exactement l’inverse de ce qu’il faudrait mettre en place pour atteindre les objectifs climatiques.
Ces divergences mettent en évidence les limites de l’approche actuelle, dans le cadre de laquelle les politiques évoluent dans des directions différentes, poursuivent des objectifs différents et ne créent pas de synergies. Ces politiques ne sont pas compatibles entre elles et, même prises séparément, elles ne parviennent dès lors pas à tenir leurs promesses. Une politique alimentaire intégrée est nécessaire pour assurer la cohérence de ces politiques et les aligner sur des objectifs communs.
2. Exploiter l’expérimentalisme local – mieux connecter les niveaux de prise de décision
On observe également un manque de connexion entre les différents niveaux de gouvernance des systèmes alimentaires. À l’heure actuelle, les systèmes alimentaires sont en train d’être remodelés par des innovations rapides, des pratiques durables dans le domaine des marchés publics à l’émergence d’initiatives menées par les citoyens pour recréer un lien entre les producteurs locaux et les consommateurs urbains. Cependant, trop rares sont les tentatives de rapprocher ces initiatives locales des politiques adoptées au niveau national ou au niveau de l’UE, afin que celles-ci puissent opérer en soutien de celles-là. Les systèmes alimentaires sont dès lors soumis à des impératifs qui peuvent s’opposer et se neutraliser.
Dans tous les domaines dans lesquels des compétences ont été attribuées à l’UE, les politiques arrêtées européennes doivent continuer à montrer la voie et accéler le passage à des systèmes alimentaiers plus durables et plus équitables. Mais il ne s’agit là que d’une pièce du mille-feuilles de la gouvernance: même bien intentionnées, les politiques européennes échoueront si elles ne sont pas complétées par des mesures à d’autres niveaux. Par exemple, les gouvernements nationaux peuvent prendre l’initiative de favoriser l’émergence d’une nouvelle génération d’agriculteurs grâce à la mise en place de régimes fiscaux favorables et de programmes de formation. Les autorités locales sont aussi souvent les mieux placées pour améliorer l’accès à une alimentation saine, par le biais de pratiques dans les domaines de l’aménagement urbain et des marchés publics. D’ailleurs, les conseils de politique alimentaire qui voient le jour dans les municipalités partout en Europe ont déjà commencé à mettre en œuvre des systèmes alimentaires territoriaux durables.
Plutôt que de remplacer une vision descendante par une autre, la véritable valeur ajoutée d’une politique alimentaire pour l’Europe (ou politique alimentaire ‘commune’) doit être d’arrêter des objectifs communs et de favoriser une convergence sur ces objectifs, tout en favorisant l’expérimentation et en promouvant des cheminements variés et complémentaires vers des systèmes alimentaires durables. La dispersion entre différents niveaux de gouvernance peut être considérée comme un avantage, car elle peut favoriser une forme de politique expérimentaliste dans le cadre de laquelle différentes autorités lancent des politiques dont les autres peuvent tirer des enseignements (que ces politiques soient considérées comme des réussites ou des échecs). Cependant, les objectifs finaux et la vision sous-jacente des systèmes alimentaires doivent être cohérents. Le manque de coordination actuel décourage l’expérimentation, en raison de la forte inertie du système hérité : en l’absence d’une politique alimentaire unique, ce système au mieux ne favorisera pas le changement, au pire l’entravera. Pour expérimenter dans le domaine des systèmes alimentaires, il faut bénéficier d’un environnement favorable. C’est ce que peut offrir une politique alimentaire commune. L’objectif n’est pas d’imposer l’uniformité, mais de soutenir une diversité d’approches et d’accélérer l’apprentissage collectif.
3. Dépasser le productivisme et s’adapter aux nouveaux défis
Le manque de coordination actuel entre les secteurs et niveaux de gouvernance renforce la tendance à l’adoption de politiques fortement dépendantes du sentier, dans lesquelles les choix passés déterminent les choix futurs. Depuis les années 1950, nos systèmes alimentaires se concentrent sur l’augmentation de la productivité par unité de surface. Nous sommes obnubilés par la production de grandes quantités de nourriture en vue de garantir des denrées alimentaires à prix abordable pour tous, y compris les familles à faible revenu. Les agriculteurs ont été progressivement encouragés à devenir des fournisseurs de matières premières bon marché pour l’industrie agroalimentaire et on considérait les besoins des consommateurs comme satisfaits en remplissant les rayons des supermarchés de calories à prix abordables. Les maîtres-mots étaient efficacité, économies d’échelle, bas prix et quantité.
Ce modèle est cadenassé par une série de composants qui ont évolué ensemble au fil des années. Les choix technologiques, les subventions et taxes, les investissements dans les infrastructures et le cadre réglementaire convergent pour maintenir le système en place. Ces composants sont adaptés à des modes de vie effrénés qui expliquent la préférence pour les produits alimentaires les plus faciles à consommer : jamais les aliments transformés et ultra-transformés n’ont-ils été plus populaires.
Mais un nouvel ensemble de priorités émerge depuis le début du millénaire. L’efficacité n’est plus l’unique objectif : la résistance aux chocs économiques ou météorologiques est devenue une préoccupation majeure. De ce fait, il est encore plus important de soutenir les petites exploitations et d’enrayer le processus de concentration des terres afin de préserver le tissu social et l’intégrité écologique des zones rurales d’Europe. De plus, les attentes vis-à-vis des systèmes alimentaires et agricoles ont évolué : il ne leur suffit plus de fournir une quantité suffisante de calories, ils doivent proposer des aliments nutritifs, de haute qualité et variés.
Ces changements ne sont pas le fruit du hasard. Ils représentent ce que Karl Polanyi appelait un « contre-mouvement », dû à une prise de conscience des défis auxquels nous sommes maintenant confrontés en raison de l’approche productiviste du passé. Les familles pauvres, en particulier les femmes, sont les plus touchées : l’économie alimentaire à bas prix qui a été mise en place pour aider ces familles à se nourrir a un impact sur leur santé. L’UE fait face à une véritable épidémie en matière de santé publique : plus de la moitié des adultes de l’UE souffrent maintenant de surpoids ou d’obésité. Les maladies liées à l’alimentation, telles que le diabète de type 2 et les maladies cardiaques, sont responsables de 70 % des décès au sein de l’UE. Et le problème ne fait qu’empirer : jusqu’à un tiers des enfants de six à neuf ans sont maintenant en surpoids ou obèses. L’impact socio-économique est tout aussi problématique. Entre 2003 et 2013, une exploitation sur quatre a disparu du paysage européen alors que la surface cultivée totale est restée stable: les mesures prises pour soutenir la viabilité des petites exploitations sont notoirement insuffisantes.
Pourtant, le système actuel reste largement inerte face à ces défis. Ses politiques dispersées aux objectifs déconnectés ou mal alignés ne permettent pas de faire évoluer les priorités et les résultats d’un système immobilisé sur plusieurs fronts. La modification d’une partie du système (ajout d’une taxe sur la malbouffe ou ajustement du système de subventions afin de soutenir les petites exploitations, par exemple) aura très peu d’impact sur le système dans son ensemble. Une réforme de ce type sera facilement absorbée et le système dominant se perpétuera, en s’adaptant à l’évolution des attentes, mais en restant attaché à des priorités dépassées et mal adapté aux défis auxquels nous sommes confrontés. Seule une politique coordonnée, qui apporte des changements au niveau de tous ces composants, peut avoir un impact systématique et surmonter l’inertie dont nous héritons.
4. Échapper à la tyrannie du court terme et initier une transition
Quatrièmement, nous avons besoin d’une politique alimentaire pour échapper à la tyrannie du court terme. Ce qui est requis afin de progresser vers un développement durable, c’est rien de moins qu’une véritable métamorphose de nos systèmes alimentaires et agricoles. Le modèle industriel productiviste décrit précédemment a atteint ses limites et ne parvient plus à atteindre les objectifs qu’il s’est lui-même donné (à savoir, une augmentation continue du rendement), sans parler des objectifs de développement durable sur les plans écologique et social. Nous avons besoin d’un modèle agricole fondamentalement différent, basé sur la diversification des exploitations et des paysages agricoles, le remplacement des intrants chimiques, l’optimisation de la biodiversité et la stimulation des interactions entre espèces, dans le cadre de stratégies globales visant à créer une fertilité à long terme, des agroécosystèmes sains et des sources de revenus sûres.
Cette transition ne se fera pas en un seul jour. Elle soulève une série de questions importantes et nécessite des compromis. Pouvons-nous nous éloigner de l’économie alimentaire ‘low cost’ sans nuire aux familles les plus démunies qui ne peuvent se permettre que les aliments de mauvaise qualité proposés par les magasins discount ? Pouvons-nous imposer des contraintes environnementales supplémentaires aux agriculteurs sans réduire les niveaux de production, et donc augmenter notre dépendance vis-à-vis des importations ? Pouvons-nous lutter contre la surproduction sans priver les associations caritatives de la capacité de distribuer les invendus aux ménages les plus démunis ?
Ces questions sont primordiales et il faudra y répondre en suivant une série d’étapes bien définies dans le cadre d’une vision intégrée à long terme de la transition d’un système alimentaire à un autre. En l’absence d’une telle vision, nous restons paralysés par les compromis à trouver. Et nous continuons à rechercher des solutions à court terme, bien que nous soyons conscients qu’elles laissent certains problèmes sans réponse.
Les systèmes politiques et économiques actuels sont prisonniers d’une logique de court terme. La nature des cycles électoraux veut que les gouvernements recherchent des résultats immédiats. Cette situation est peu propice à une transition dont les avantages ne seront pas immédiatement visibles étant donné le temps nécessaire pour rétablir la santé et la fertilité des terres, augmenter la biodiversité dans les systèmes de production et tirer pleinement parti d’une meilleure résilience. Dans le monde de l’entreprise aussi, ce sont surtout les résultats financiers à court terme qui intéressent les investisseurs, ce qui limite la capacité des grandes entreprises commerciales à investir de manière significative dans la mise en œuvre de changements à long terme. Les préoccupations à court terme sont particulièrement marquées dans le secteur de la grande distribution, dont les responsables sont contraints de répondre aux attentes qu’ils ont encouragées chez les consommateurs : des aliments bon marché et variés toute l’année. Et cela se répercute tout au long de la chaîne. Étant donné le peu d’autres solutions existantes, les agriculteurs sont contraints de vendre leurs produits aux principaux acheteurs et détaillants et d’accepter des marges tellement réduites qu’ils ont souvent du mal à rentrer dans leurs frais et sont loin de pouvoir envisager une transition vers les pratiques durables que les consommateurs, pourtant, sont de plus en plus nombreux à demander.
C’est pourquoi le défi consiste non seulement à effectuer une transition d’un ensemble de priorités à un autre, mais aussi à passer d’une approche à court terme à une approche à long terme. C’est seulement en optant pour une stratégie sur plusieurs années, en fixant des échéances précises, en formant des alliances pour mettre en œuvre ces changements et en attribuant les responsabilités à différentes administrations que nous pourrons évoluer vers une vision différente. Cela nécessite une réflexion axée sur le chemin à parcourir. Il ne suffit pas d’avoir un objectif, il faut aussi savoir par quelle trajectoire y parvenir. Nous avons besoin d’une analyse rétrospective, d’indicateurs pour mesurer les progrès, d’outils pour coordonner les changements à différents niveaux et dans différents secteurs : en d’autres termes, nous avons besoin d’une politique alimentaire.
5. Rétablir la démocratie alimentaire et la légitimité
Il y a une cinquième raison pour laquelle nous avons besoin d’une politique alimentaire : pour en faire une politique alimentaire des citoyen.ne.s. Les choix de politiques du passé s’appuyaient en grande partie sur ce que les politologues appelaient la logique de la ‘poubelle’ (garbage can logic) : aux antipodes de la décision rationnelle fondée sur une identification claire des objectifs à atteindre et des différents moyens d’y parvenir, les problèmes étaient présentés en fonction des solutions disponibles, et si des solutions prêtes à l’emploi n’étaient pas disponibles, les problèmes étaient tout simplement ignorés. Le fait que ces « solutions » provenaient généralement de l’industrie agroalimentaire explique en grande partie la position dominante des acteurs de cette industrie dans le système politique. Cette présence s’explique bien sûr également par la puissance exceptionnelle de leurs actions de lobbying. Dans ce contexte, les préoccupations à long terme pour la santé de la terre et des consommateurs risquent cependant d’être négligées. Nous devons reprendre le contrôle des systèmes alimentaires : la démocratie alimentaire est à la fois une fin en soi, un moyen de renforcer la démocratie au-delà du rituel des élections, et un moyen de s’assurer que l’intérêt général n’est pas sacrifié au profit d’intérêts économiques très limités.
L’engagement des citoyens vis-à-vis des systèmes alimentaires durables est déjà une réalité ; mais cette énergie citoyenne demeure largement sous-exploitée dans l’environnement actuel. Les citoyens européens se soucient de leur santé et sont généralement préoccupés par l’épidémie d’obésité et de maladies non transmissibles. Ils tiennent également à préserver le paysage agricole et l’économie locale, qui, dans de nombreuses régions d’Europe, dépend fortement de l’industrie agroalimentaire. En outre, de nombreuses personnes sont impliquées dans des initiatives locales permettant d’acheter des aliments directement auprès d’un agriculteur, d’améliorer la qualité des repas servis dans les cantines scolaires ou de soutenir le développement durable (par exemple, en achetant des produits issus du commerce équitable pour leur entreprise). Ces personnes ont un intérêt commun et les politiques européennes qui façonnent les systèmes alimentaires représentent un enjeu important pour elles. Le défi consiste à unifier ces groupes dispersés et à faire entendre leur voix dans les débats axés sur l’élaboration des politiques européennes en matière d’agriculture (ou d’autres politiques sectorielles), dont de nombreuses personnes se sentent déconnectées. En passant de l’agriculture aux systèmes alimentaires et en partant des initiatives locales, une politique alimentaire peut tirer parti de l’engagement croissant des citoyens vis-à-vis de l’alimentation.
Les politiques alimentaires qui en résultent seront plus efficaces, car elles seront alignées sur les intérêts et initiatives d’un large éventail de citoyens. Elles contribueront également à rétablir la légitimité des politiques publiques, et plus particulièrement celles de l’Union européenne. La crise de légitimité dont souffre l’Europe a un côté positif : elle nous oblige à repenser la démocratie et à nous assurer que les citoyens européens jouent un rôle majeur dans l’intégration européenne. Nous devons dépasser les tentatives actuelles de reproduire une démocratie représentative au niveau européen (comme c’est le cas depuis les premières élections du Parlement européen en 1979) ou d’impliquer les parlements nationaux dans la prise de décisions de l’UE (ce qui, dans la pratique, entraîne une augmentation du nombre de points de veto dans le système, au risque de rendre encore plus difficile pour l’Europe de relever les défis émergents). Nous devons également dépasser la croyance selon laquelle toute initiative prise au niveau de l’UE réduit la marge de manœuvre dont disposent les États membres et les acteurs infra-étatiques pour concevoir des politiques correspondant à leurs besoins spécifiques. Nous ne sommes pas obligés de faire un choix entre plus d’Union européenne et davantage de liberté aux niveaux national et régional. Au contraire, les politiques européennes peuvent soutenir les efforts locaux et nationaux en matière de réforme des systèmes alimentaires en permettant aux acteurs locaux de mettre en œuvre des changements et en favorisant l’apprentissage grâce à l’expérimentation à l’échelle de l’UE.
Une politique alimentaire pour l’Europe qui fait participer activement les citoyens à l’identification et à la résolution des problèmes et qui reprend le contrôle des systèmes alimentaires à l’agro-industrie et aux lobbies agricoles (en d’autres termes, une politique alimentaire citoyenne) peut contribuer à rétablir la légitimité de l’UE aux yeux de ses citoyens.
Pour ces cinq raisons, la mise en place d’une politique alimentaire pour l’Europe doit devenir une priorité. Il est temps de réaligner les politiques entre elles, sur les défis auxquels nous sommes confrontés, sur les souhaits des citoyens et sur la relance du projet européen.
Illustration: Elis Wilke for GEF