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  • Interdépendance & solidarité

Une Afrique résolument tournée vers un développement basé sur les énergies renouvelables

Par Joseph YAOVI L. KOGBE

 

JUSQU’EN 2015, LES MODÈLES DE DÉVELOPPEMENT ÉTAIENT CLIMATICIDES

Le développement économique moderne tel que nous le connaissions en 2015 était issu d’un processus d’industrialisation se nourrissant avant tout de ressources minérales non renouvelables extraites de la croûte terrestre. Bien entendu, ce développement bénéficiait d’une énergie relativement abondante et bon marché provenant des combustibles fossiles : pétrole, gaz naturel, charbon, etc. Les autres sources d’énergie, surtout renouvelables, comme le solaire, l’éolien ou l’hydraulique, étaient marginalisées dans le « mix énergétique » des pays industrialisés. En conséquence, jusqu’en 2015, les énergies fossiles représentaient plus de 81 % de l’énergie consommée dans le monde et contribuaient à plus des deux tiers des émissions de gaz à effet de serre, entraînant un réchauffement climatique dont les pays africains furent ensuite les premières victimes.

L’AFRIQUE AUSSI SUIVAIT LA MÊME TRAJECTOIRE...

L’Afrique ne se démarqua pas très tôt de cette forme de développement. Au contraire, les pays africains s’efforcèrent dans un premier temps de se développer en utilisant les énergies fossiles. Au Cameroun par exemple, la production d’énergie dépendait de plus en plus des produits pétroliers qui représentaient 43 % du mix national. Le gouvernement envisagea même d’accroître le nombre de centrales thermiques alimentées au gaz et au fioul, au risque de renforcer sa dépendance aux ressources énergétiques importées et de plus en plus chères. En Côte d’Ivoire, les énergies fossiles alimentaient les deux tiers environ de la production électrique. Le charbon y permettait avant tout d’alimenter des centrales électriques destinées aux activités économiques qui ne bénéficiaient que trop rarement aux populations. C’était également le cas du pétrole et du gaz butane dont les plus aisés tirèrent avantage, mais qui demeuraient hors de prix pour une grande partie des populations. Pourtant, ces énergies fossiles faisaient l’objet de subventions importantes de la part des États. Il fallut l’Accord de Paris en 2015 pour que l’Afrique décide d’opérer un virage radical vers un développement sobre en carbone et résilient au changement climatique.

... MAIS DÉCIDE EN 2015 DE S’ENGAGER DANS UNE VISION 100 % ÉNERGIES RENOUVELABLES ET ZÉRO ÉNERGIES FOSSILES

Dès la signature de l’Accord de Paris sur le climat en décembre 2015, tous les pays africains décidèrent unanimement de ne plus continuer sur cette trajectoire de développement. Cette décision historique fut obtenue à Addis Abeba, siège de l’Union africaine, durant la première moitié de 2016. Elle précisa que tous les pays africains devaient supprimer définitivement, mais de façon progressive, les subventions à la production des énergies fossiles. Un extrait de la déclaration mentionnait : « Les chefs d’États et de gouvernements africains reconnaissent que l’utilisation des énergies renouvelables est marginalisée sur le continent. Au même moment, les énergies conventionnelles sont lourdement subventionnées pour la plupart. Plus de 500 millions de dollars de financements publics sont dédiés chaque année aux subventions aux énergies fossiles. En faussant les règles du jeu économique, ces subventions freinent la transition énergétique du continent. L’Union africaine et ses États membres s’engagent à mettre fin définitivement aux subventions aux énergies fossiles, pour réorienter ces masses financières afin de soutenir les énergies renouvelables ». Cette déclaration africaine se répandit à travers l’Afrique comme une traînée de poudre. Des plans et des programmes développés dans tous les pays accordèrent une place de choix aux énergies renouvelables. La volonté et l’engagement politiques étaient si manifestes que tous les acteurs, tant de la société civile que du secteur privé, emboîtèrent le pas. Dès lors, il n’y eut plus de discours ni de projets sociaux sans mention des alternatives renouvelables.

LES PAYS INDUSTRIALISÉS ACCOMPAGNENT LA DYNAMIQUE

Les pays industrialisés, qui avaient admis leur responsabilité historique dans le réchauffement climatique, ne restèrent pas indifférents face à l’engagement africain. Les milieux politiques occidentaux apportèrent avec détermination leur soutien à l’initiative africaine, en particulier aux programmes de réduction des émissions de gaz à effet de serre. « La nouvelle dynamique de l’Afrique mérite d’être saluée. Mon gouvernement s’engage par conséquent à accompagner les pays africains dans ce modèle de développement propre sans précédent en lui apportant tout notre soutien. Pour ce faire, nous prenons l’engagement de mettre dans le Fonds vert, chaque année jusqu’à 2020, 5 milliards de dollars de financements innovants, c’est-à-dire publics et additionnels, au profit des plus pauvres et des plus vulnérables. À partir de 2020, notre allocation au Fonds vert sera revue à la hausse », déclara le Président français. Toute l’Europe suivit l’exemple français, et telle une contagion, tous les pays industrialisés s’inscrivirent dans cette démarche. Les déclarations se multiplièrent, sans équivoques : « Oui, nous le devons aux pays africains, à la fois pour leur laisser lespace indispensable à leur développement et pour leur transférer des technologies renouvelables sûres et bon marché ».

Pour joindre l’acte à la parole, plusieurs pays industrialisés n’hésitèrent pas à investir pour soutenir la volonté d’aller vers une économie 100 % renouvelable sur le continent. Comme toujours, l’Union européenne décida d’assumer un rôle de leadership. Quelques années plus tard, en 2040, on assiste à un modèle de développement sans pareil.

UNE DYNAMIQUE QUI FAIT DE L’AFRIQUE LA VITRINE D’UNE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE EN MARCHE …

En Afrique, ce n’étaient pas les sources d’énergies renouvelables qui manquaient, car le continent disposait d’un fort potentiel dont seulement une infime partie était exploitée avant 2015. Des alternatives renouvelables et performantes per- mettant aux populations les plus démunies et les plus marginalisées de répondre durablement à leurs besoins énergétiques, de développer des activités génératrices de revenus et de créer des emplois locaux existaient cependant déjà.

À la suite de l’adoption de l’Accord sur le climat à Paris en 2015, les progrès enregistrés dans le domaine des énergies renouvelables furent immenses. Aujourd’hui, en 2035, c’est une nouvelle Afrique qui émerge devant nos yeux. Le potentiel géothermique de la Vallée du Rift est maintenant exploité à plus de 50 % contre moins de 1 % en 2015, pendant que l’hydraulique est mise en valeur à un taux supérieur à 60 % contre 8 % il y a 20 ans. Le prix de la technologie solaire a chuté de 90 % permettant à 6 millions d’individus de travailler dans le secteur des renouvelables. Les politiques régionales et programmes nationaux foisonnent et promeuvent les lampes à basse consommation, la méthanisation, les équipements solaires et les systèmes hybrides durables de type photovoltaïque/diesel/ biocarburant. Les foyers améliorés sont devenus la norme sur le continent.

... AVEC DES IMPACTS POSITIFS FORTS

Des tarifs d’achat garantis pour les énergies renouvelables ont été mis en place. Ils ont fait leur preuve dans de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest et Centrale et ont permis de déployer les technologies renouvelables et favoriser les investissements et l’électrification rurale. Ce système, adopté dans plusieurs autres pays africains, est devenu un véritable succès continental. C’est le cas du Sénégal, où la cogénération à partir du biogaz a été développée, et du Togo, où les mini- centrales hybrides durables (diesel/solaire, diesel/turbines éoliennes, solaire/diesel/biocarburant) produisent une électricité moins chère depuis plusieurs années.

L’énergie et les services énergétiques sont décentralisés. La production électrique ne répond plus seulement aux besoins des entreprises nationales et internationales. Depuis 2015, 65 % de l’accès à l’électricité sur le continent est totalement hors réseaux ou via des mini-réseaux, plus adaptés aux zones rurales et conçus au bénéfice des populations. Le marché de l’approvisionnement en énergie en zone rurale est aujourd’hui suffisamment développé et contribue à la création d’emplois locaux et d’activités génératrices de revenus. Les financeurs européens et américains investissent désormais dans les réseaux décentralisés.

L’éolienne est en plein essor. Le développement des pompes à éolienne en Afrique de l’Ouest a ouvert la voie à des activités créatrices de richesses pour les populations marginalisées. L’eau est devenue accessible à tous. La corvée des femmes à la recherche de l’eau potable relève du passé. Désormais, ce sont les pompes à éolienne qui approvisionnent les localités les plus reculées. Les prix facturés pour l’eau fournie par les pompes ont baissé : les utilisateurs domestiques paient uniquement pour les volumes qu’ils consomment, tandis que les maraîchers ou les éleveurs de bétail paient une somme forfaitaire. Cela permet des tarifs avantageux pour les activités productives : les cultures hors- saison se développent partout et dans certains villages, le coût de l’eau pour une parcelle est 70 fois inférieur au prix facturé par les sociétés nationales des eaux.

Le solaire est en pleine extension. La technologie photovoltaïque gagne du terrain dans bon nombre de pays africains grâce aux efforts des programmes régionaux et nationaux menés dans le cadre de coopérations bilatérales ou multilatérales. On assiste au foisonnement des systèmes photovoltaïques familiaux, des systèmes de pompage et des stations électriques photovoltaïques (mini-réseaux) destinées à assurer des services de base dont l’éclairage, les communications (radio, TV, téléphones, etc.), le drainage, l’irrigation, la réfrigération, etc. L’éclairage améliore la qualité de vie, tandis que le pompage fournit des opportunités de développement d’activités génératrices de revenus. Le marché du photovoltaïque s’accroît très rapidement sous l’effet des programmes d’électrification rurale.

L’électrification décentralisée jouit d’un bon cadre et devient prospère. L’accès à l’électricité dans les villages et la diffusion de milliers de systèmes solaires domestiques à des fins d’éclairage et de communication ont contribué à lut- ter contre la pauvreté par le développement de micro-entreprises rurales, au développement des compétences locales et à la création d’emplois, ainsi qu’au transfert de connaissances techniques.

La biomasse est modernisée. L’utilisation modernisée de la biomasse est devenue une priorité sur le continent, étant donné qu’elle a toujours été utilisée de façon traditionnelle. Des projets de démonstration sur les utilisations modernes de la biomasse, telles que la production de biocombustibles à partir de végétaux pour remplacer les produits à base de pétrole, ou encore la cogénération utilisant la bagasse et la balle de riz s’organisent un peu partout. Les tiges des végétaux et d’autres déchets agricoles servent à produire du gaz de combustion pour la cuisson des aliments ou pour des applications productives à petite échelle. Les fourneaux à gazéification domestique utilisés pour la cuisine permettent d’obtenir des rendements 7 à 10 fois supérieurs à ceux des fourneaux traditionnels et sont diffusés dans les zones rurales, leur coût unitaire étant devenu relativement bas.

Le biogaz devient la priorité au Sahel. Dès 2016, les gouvernements des pays du Sahel avaient porté une attention particulière à la recherche et au développement du biogaz et cette technologie progressa de manière spectaculaire. La promotion du biogaz, c’est non seulement un choix qui permet la construction de lessiveuses autoclaves un peu partout, mais aussi une approche environnementale d’ensemble avec un gaz présentant plusieurs utilisations : le résidu du biodigesteur peut être utilisé comme engrais et l’effluent comme un pesticide non-toxique. Les pêcheurs, les éleveurs et les cultivateurs tirent profit du biogaz, qui aide aussi les exploitants agricoles à développer des activités commerciales autres que l’agriculture.

LAfrique a fait le bon choix contre la pauvreté. L’expérience africaine a confirmé que la pauvreté qui retarde le développement économique et social et menace l’environnement local est généralement liée à un manque d’accès à une énergie de base moderne et propre. Les énergies renouvelables ont prouvé leur capacité à jouer un rôle actif pour résoudre ces problèmes. L’expérience africaine, unique en son genre, a également montré qu’un soutien adapté, en particulier de la part des pays développés, s’avère indispensable pour atteindre cet objectif.