Cet article est la version française d’un article paru dans un dossier spécial du Green European Journal sur les combats des écologistes en Europe. Il est accessible dans sa version originale ici: GREEN FIGHTS FOR EUROPE.
2009-2014: la législature européenne s’achève. Le temps est venu de faire le point et de regarder l’horizon, d’articuler des actions, des résultats et une vision sur le court et le long terme. C’est indispensable pour affronter les batailles à venir. Car elles ne manqueront pas. En effet, une des premières conclusions que l’on peut tirer des cinq années écoulées, c’est que nous sommes définitivement sortis de la période des « easy politics » pour entrer dans les « hard politics ». La transformation de la société dans le sens de la soutanibilité se heurte à des résistances de plus en plus grandes que les écologistes ont peut-être quelque peu sous-estimées. La grande vague de conscientisation environnementale qui s’était ouverte autour de 2007 a vite cédé le pas à une réaction conservatrice de grande ampleur. Ce n’est pas seulement la crise qui en est responsable. Elle n’a fait que renforcer la contre-attaque d’un système qui se sent directement visé dans ses intérêts.
Identifier les adversaires
Les producteurs d’énergies fossiles veulent continuer à profiter des retombées des 500 milliards d’euros de gaz, de pétrole et de charbon qui sont importés chaque année dans l’UE.
Les banques préfèrent que ce soient les contribuables qui payent pour leurs comportements irresponsables. Les lobbies de l’agriculture industrielle entendent préserver un système qui détruit l’environnement, qui fait souffrir les agriculteurs et qui rend malade les consommateurs. Les tenants du néo-libéralisme et du productivisme continuent de penser que la compétition de tous avec tous et la croissance de la production consommation de n’importe quel produit sont intrinsèquement bonnes.
Les écologistes ont montré leur capacité à nouer des alliances avec tous ceux qui dans le système actuel veulent entrer réellement dans l’ère du développement durable. De la régulation financière à la lutte contre la surpêche, en passant par la promotion des énergies renouvelables et le combat pour les droits digitaux, ils ont fait avancer pragmatiquement une série de dossiers importants en nouant des alliances avec des partis dont ils ne partagent pas les idées.
Mais ils savent aussi mener le combat contre ceux qui résistent au changement. Et souvent la première chose à faire est de les nommer ! A l’heure de la communication globale, il est important de bien identifier ses adversaires et de les désigner publiquement. C’est d’autant plus important que les écologistes peuvent s’appuyer sur la conscience de plus en plus de citoyens qui ont d’ores et déjà commencé à modifier leurs modes de vie. Ces alliances entre politiques et mouvements sociaux sont une condition de succès pour des Verts qui si ils sont peut-être en train de devenir majoritaires sur le plan culturel, ne le sont pas du tout sur le plan de l’arithmétique politique. Elles doivent aussi s’effectuer au plan européen, au seul lieu où il est réellement possible de peser sur les évolutions globales.
Un combat vert en Europe
Le combat des écologistes est un combat qui se produit en Europe. Si l’envie de désavouer les responsables politiques européens actuels peut se comprendre, il serait contre-productif de soutenir les partis qui souhaitent se replier sur les espaces nationaux. Renforcer les souverainistes de gauche comme de droite ne servira qu’aux conservateurs qui ont déjà clairement annoncé leur intention de ne pas modifier leurs politiques actuelles, comme la lecture de leurs manifestes politiques le démontre bien. La lutte contre les principales menaces contemporaines, le changement climatique, la perte de bio-diversité, la dérégulation financière ne pourra se faire qu’au niveau global, à travers l’action d’une Union européenne solidaire et volontariste. L’Europe doit retrouver le leadership dans la lutte contre le changement climatique qu’elle a perdu en 2009 à Copenhague. De même, elle est la seule à pouvoir agir pour que la régulation de la finance nous mette à l’abri de nouveaux désastres financiers que les plus démunis sont les premiers à payer.
Un combat vert pour l’Europe
Mais ces combats pour une justice globale ne pourront pas être menés si nous ne restaurons pas la justice à l’intérieur de l’Europe. Cela implique de construire des ponts sur les abîmes qui ont été creusés entre Européens à travers la gestion de la crise. L’Europe ne pourra pas prétendre à défendre la solidarité au plan global si elle n’est pas capable de le faire en interne.
Il n’y aura pas de gouvernement économique de la zone euro, sans gouvernance sociale et sans une véritable union de transferts. Ceux qui veulent nous faire croire l’inverse prennent une très grave responsabilité par rapport à l’histoire.
Il faut aussi tenir ensemble toutes les pièces du puzzle européen ! Le débat sur l’indispensable renforcement de l’intégration de la zone euro implique de donner une perspective claire d’adhésion à tous ceux qui n’en font pas partie. Les Ukrainiens savent bien, eux, ce que l’UE représente en termes de démocratie et donc de promesse de prospérité partagée, quel que soit la définition qu’on en donne.
Etre à l’écoute de l’histoire
Ce numéro du Green European Journal est là pour montrer ce qu’il est possible de faire avec un petit groupe de parlementaires écologistes, sans surestimer leur rôle, ni le sous-estimer. Leur courage et leur détermination s’ancrent dans la vision d’un progrès partagé pour tous les Européens. Ce que la crise nous a rappelé, c’est que nous n’avançons que lentement, par essais et erreurs, que nous devons apprendre de nos échecs comme de nos victoires. En cette année de commémoration de 1914-1918, nous ré-apprenons l’importance de l’histoire pour comprendre le présent politique. Si nous voulons être sûrs d’avoir de bons débats sur les réformes à mener en priorité, sur les mobilisations à construire nous devons dès lors essayer, comme nous y invite Etienne Balibar, de bien identifier le moment historique auquel l’Europe se trouve. Ce travail peut paraître ardu et parfois théorique. Mais il est aussi indispensable pour améliorer l’efficacité de notre action politique et construire une vision tournée vers l’avenir.