Accueil / Articles / Non classé / L’unité par la diversité. Les régions et le projet européen écologiste.
L’unité par la diversité. Les régions et le projet européen écologiste.

L’unité par la diversité. Les régions et le projet européen écologiste.

- 20 juin 2016

Qu’il semble loin le souffle épique et visionnaire des (grands) Pères fondateurs. L’Europe patauge désormais dans l’ère des (petits) Tontons flingueurs. On a même créé un bac à sable institutionnel pour les ébats de leurs égoïsmes: le Conseil Européen, idée irresponsable d’un Giscard dont on ne dira jamais assez à quel point il fut un coupable piètre mécanicien de la chose européenne.

Capture d’écran 2016-06-20 à 13.30.59.png

Cette contribution de Gérard ONESTA est extraite de la note de Tudi KERNALEGENN Écologie et régionalisme.

Qu’il semble loin le souffle épique et visionnaire des (grands) Pères fondateurs. L’Europe patauge désormais dans l’ère des (petits) Tontons flingueurs. On a même créé un bac à sable institutionnel pour les ébats de leurs égoïsmes: le Conseil Européen, idée irresponsable d’un Giscard dont on ne dira jamais assez à quel point il fut un coupable piètre mécanicien de la chose européenne.

Comment dès lors dépasser les bisbilles mortifères et récurrentes des nombrils étatiques où chacun croit pouvoir se sauver seul en ramant dans le brouillard dans une direction improvisée, oubliant que le canot européen prend l’eau de toute part dans un océan globalisé et démonté ? Il y aurait bien sûr l’évidente réponse du choc constitutionnel refondateur, mais l’unanimité – doux euphémisme pour maquiller un droit de véto généralisé – requise en «haut lieu» pour changer la moindre virgule semble clore cette porte à l’heure de la foire à l’opting-out: qui pour sa City, qui pour son refus du migrant, qui pour son «paradis» fiscal, qui pour sa dérégulation sociale, qui pour la mise au pas de ses médias, qui pour son droit à polluer…

Et si la réponse ne venait pas d’en-haut, mais d’une source de plus grande proximité. Et si le dépassement du narcissisme d’État provenait du lent avènement de territoires plus proches des réalités humaines, que celles-ci soient culturelles, environnementales ou socio-économiques. Et si ces territoires étaient les eurorégions, espaces plus resserrés ici, plus étendus là, parfois transfrontaliers, mais sûrement moins shootés au vertige des pouvoirs régaliens prétendument indépassables, alors que ces derniers sont dépassés depuis longtemps par la crise mondiale protéiforme qui se rit des petites enclaves nationales et de leurs supposés périmètres hermétiques. Et si – tout étant à refaire – on «recommençait par la culture» (comme a failli le dire Jean Monnet), en jouant la carte décomplexée de la vraie pluralité, de la vraie diversité, celle que seule peut révéler une photo continentale ne se limitant pas à 28 malheureux pixels.

Dans l’évident actuel délitement continental, les «régions réelles» qui soudent encore les communautés humaines – parfois en transcendant les cicatrices territoriales issues des guerres civiles qui ont ensanglanté l’Europe durant des siècles – peuvent être ce liant essentiel qui manque au projet européen. L’avènement des eurorégions peut également devenir le réceptacle naturel et apaisé du besoin de différenciation qui surgit de partout. Pour peu qu’elle soit menée de façon sereine, ouverte et inclusive, l’autonomie / ­indépendance régionale pourrait se comporter comme une soupape de sécurité souverainiste non sécessionniste. Cela voudrait dire affronter le défi de «l’élargissement intérieur» – ­augmentation du nombre de membres de l’Union sans ajout de territoires – non comme un risque, mais comme une opportunité.

…/…

Nous voilà en 2050. L’Europe «post CECA» a vécu. L’Europe des cercles concentriques trop complexe et ingérable l’a suivie au cimetière des fausses bonnes idées. La République fédérale européenne vient de naître, et le dernier monarque est parti en exil sous les quolibets, vers un obscur émirat au pétrole désormais inutile. La constitution continentale, largement ratifiée à double majorité – citoyenne et territoriale – par le premier référendum paneuropéen de l’Histoire, décrit un simplissime bicamérisme législatif assumé: un Parlement citoyen garant de la force de l’unité car élu sur une circonscription unique et sans frontière, et un Sénat des eurorégions garant de la richesse de la diversité.

Le pouvoir exécutif est quant à lui désormais assuré – en remplacement de feue la Commission – par un gouvernement de ministres fédéraux dont la composition est basée non sur des critères géographiques mais uniquement sur la compétence et la probité.

Droits fondamentaux, tolérance, diplomatie s’appuyant sur la prévention des conflits et la solidarité planétaire, la société européenne basée sur les plus hauts standards sociaux et environnementaux est devenue un modèle. Avant cela, il a fallu quelques joyeuses déclarations d’indépendance à l’ombre des Pyrénées, dans les brumes britanniques et ailleurs, redessinant le territoire européen pour le rapprocher des réalités humaines vécues.

Mais il a fallu également – et ce fut en tout point décisif – autant de «déclarations d’interdépendance» impliquant sans nuance une solidarité déterminée et «sans cesse plus étroite» entre des peuples fiers de leurs racines enfin reconnues métisses.

De façon paradoxale, ce furent les reconnaissances plurielles et croisées de tous ses peuples qui fondèrent le Peuple européen.

Ce fut l’unité par la diversité.

Gérard ONESTA

Actuellement Président du Bureau de l’Assemblée au Conseil Régional de Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, Gérard Onesta a été eurodéputé écologiste de 1991 à 2009.

Il a occupé la fonction de Vice-Président du Parlement européen pendant dix ans.

Sujets abordés :
Partager sur :