Pendant la durée de la COP21, Mildred Barasa écrit pour la FEP une série d’articles inédits relatant la parole des acteurs africains présents à la conférence de Paris.
Nul n’ignore que l’Afrique est le continent le plus durement touché par les effets du changement climatique, notamment à travers ses répercussions très négatives sur l’alimentation et la sécurité de l’eau, sur la santé humaine, les écosystèmes et les communautés vivant dans les plaines côtières.
Ce fait a été relevé par des organes internationaux, au nombre desquels le GIEC et il importe de se souvenir que sur les dix pays les plus vulnérables au changement climatique, six sont africains ; il s’agit du Congo, de l’Éthiopie, de la Guinée-Bissau, de la Sierra Leone, du Sud-Soudan et du Nigeria.
C’est justement cette triste réalité qui nous a amené à parler à certains délégués africains présents aux négociations de la COP21 à Paris dans le but de connaître leur opinion à propos des discussions internationales sur le changement climatique.
M. Estomih N. Sawe est le président exécutif de Sustainable Energy Services Company (SESCOM), une organisation non gouvernementale tanzanienne. Son organisation s’efforce de promouvoir et de développer des politiques de développement à faible intensité en carbone destinées à atténuer les effets du changement climatique en Tanzanie.
M. Sawe affirme que la COP21 peut générer de nombreuses recommandations. En revanche, ce qui compte le plus à ses yeux est que les pays développés joignent le geste à la parole en ce qui concerne la constitution de fonds d’adaptation grâce auxquels les pays africains, tout particulièrement les plus vulnérables d’entre eux, pourront s’adapter aux effets du changement climatique.
« Ces fonds contribueront à réduire la pauvreté en Afrique dans la mesure où, non seulement, ils feront immensément en matière d’éducation et de services d’appoint aux agriculteurs, mais aussi parce qu’ils aideront les gens à comprendre pourquoi ils doivent se détourner de la déforestation et d’autres mauvaises utilisations des ressources naturelles », selon M. Sawe.
Pour concrétiser ces nobles aspirations, a ajouté M. Sawe, les négociateurs africains à la COP21 devront s’appuyer sur des stratégies extrêmement bien définies pour soutenir la position africaine. Il a insisté notamment sur la promotion de l’utilisation des énergies propres, c’est-à-dire recourir davantage au solaire, à l’éolien, à l’hydroélectricité et à la biomasse, mais aussi sur l’éducation des populations locales à l’exploitation durable des forêts.
Ses sentiments sont partagés par Mme Fama Ndiaye, spécialiste sénégalaise du développement. À l’instar de M. Sawe, Mme Ndiaye a insisté sur la nécessité pour les pays développés responsables des émissions de gaz à effet de serre d’honorer leur engagement s’agissant de l’octroi de subventions qui contribueront à atténuer les effets du changement climatique.
Au Sénégal, elle travaille dans les soins de santé et, par conséquent, ne connaît que trop bien les effets que la dégradation de l’environnement peut avoir sur la santé des populations.
Selon Mme Ndiaye, « le Sénégal déplore davantage de cas de maladies dermatologiques, de cancers et d’asthme, entre autres, et particulièrement chez les enfants. Ces affections ont durement touché les pauvres qui sont les plus affectés puisque le traitement de maladies comme le cancer exige beaucoup de ressources. »
Elle attribue ces problèmes à ce qu’elle appelle la sur-utilisation et la dépendance à l’essence et au pétrole, un fléau qui continue de toucher l’Afrique.
M. Credo Komigan Eze, un jeune délégué du Togo, était d’accord avec ses homologues africains, ajoutant que le problème du changement climatique a porté atteinte aux pays africains et continue de le faire. Parmi les problèmes nouveaux auxquels le continent doit à présent faire face, il a cité les réfugiés climatiques.
Il met en garde contre le fait que les effets du changement climatique, s’ils ne sont pas mis sous contrôle aussi vite que possible, aggraveront la pauvreté en Afrique. Son organisation, Clean Energy for Africa (CLENA), travaille avec des jeunes d’une vingtaine de pays africains afin d’éduquer les populations locales. Leur message est simple : il faut absolument utiliser de l’énergie propre dans les actes du quotidien.
CLENA encourage l’agroécologie, meilleure selon elle que l’agriculture intelligente et donc parfaitement adaptée à l’Afrique puisqu’aucune substance chimique n’est utilisée dans la production des cultures, ce qui n’empêche nullement les agriculteurs d’obtenir de meilleurs rendements qu’avec l’agriculture moderne.
Comme ses trois homologues, Mme Ngoyoland Kambu, de la République démocratique du Congo, également spécialiste du développement, a estimé que l’Afrique ne pouvait quitter la COP21 à Paris sans compensation pour l’immense chaos causé par les effets du changement climatique.
Comme bon nombre de spécialistes du développement, elle comprend que les femmes sont des agents incontournables du changement et qu’elles détiennent des connaissances et des aptitudes cruciales pour atténuer et réduire les risques liés au changement climatique.
Par ailleurs, les femmes subissent différemment le changement climatique que les hommes et les inégalités de genre aggravent leur capacité de résistance aux répercussions du changement climatique.
C’est la raison pour laquelle il est impératif qu’alors que les pays africains et leurs négociateurs demandent la création de fonds d’adaptation, certains projets spécialement destinés aux femmes et aux droits des minorités soient mis en place.
Photos: Mildred Barasa
Traduction en français: André Verkaeren
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