Accueil / Articles / Non classé / Reportage sur l’Afrique à la COP21 #3: Les femmes ou le groupe le plus vulnérable
Reportage sur l’Afrique à la COP21 #3: Les femmes ou le groupe le plus vulnérable

Reportage sur l’Afrique à la COP21 #3: Les femmes ou le groupe le plus vulnérable

- 8 décembre 2015

Les effets du changement climatique allongent le temps de travail des femmes, portent atteinte à leur santé, en particulier dans les pays en développement, et rendent leurs conditions de vie plus précaires.

Pendant la durée de la COP21, Mildred Barasa écrit pour la FEP une série d’articles inédits relatant la parole des acteurs africains présents à la conférence de Paris

Cet article est aussi disponible en anglais.

This article is also available in English.


Les effets du changement climatique allongent le temps de travail des femmes, portent atteinte à leur santé, en particulier dans les pays en développement, et rendent leurs conditions de vie plus précaires.

Le changement climatique affectera chacun d’entre nous, dans toutes les régions du monde, mais pas de façon unilatérale. Les groupes les plus marginalisés comme les femmes, les enfants, les personnes âgées, les pauvres et les personnes handicapées sont les plus exposés à ses impacts.

Dans la vie quotidienne, le changement climatique touche plus gravement les femmes pauvres que les hommes : la rareté des ressources naturelles comme l’eau et le bois de chauffage accroît la distance qu’il faut parcourir pour les collecter, ce qui allonge le temps de travail des femmes et déstabilise leurs conditions de vie. Et quand survient une catastrophe climatique, les femmes sont aussi plus vulnérables parce qu’elles ont été moins préparées à ces calamités que leurs homologues masculins.

Capture d’écran 2015-12-10 à 11.54.42.pngS’exprimant dans le cadre des discussions sur le changement climatique de la COP21 à Paris, Mme Annie Matundu Nbanbi, une militante féministe de la République Démocratique du Congo (RDC), assure que l’utilisation excessive d’engrais et de pesticides a fortement détérioré les sols africains. En particulier, selon elle, la fréquence élevée de l’érosion des sols a rendu leurs couches supérieures moins compactes.

« L’érosion récurrente des sols n’a pas seulement des répercussions négatives sur les populations parce que les récoltes sont mauvaises, il faut aussi compter avec les produits chimiques présents dans nos lacs et nos rivières et qui nuisent à la santé des gens, notamment à travers les maladies transmises par l’eau, devenues très fréquentes en RDC », regrette Mme Matundu.

Ces circonstances défavorables, affirme Mme Matundu, ont aggravé la situation des populations pauvres en RDC. Les régions d’Afrique et d’Asie-Pacifique, compte tenu de la localisation de leurs continents, de leurs taux élevés de pauvreté et de leur dépendance à l’agriculture et à la pêche pour la subsistance, souffrent d’une vulnérabilité disproportionnée.

Le changement climatique touche la santé des femmes de diverses manières. Cela peut aller de la multiplication des tâches quotidiennes liées à l’alimentation de la famille et des soins à apporter aux malades à des menaces plus extrêmes pendant certaines catastrophes, comme la noyade lors d’une inondation.

Ces menaces sont ressenties exclusivement par les femmes parce que les rôles et responsabilités de leur sexe deviennent plus durs à assumer et qu’elles ne possèdent généralement pas les techniques de survie de leurs homologues masculins. Qu’il s’agisse de l’augmentation des taux de violence contre les femmes après les catastrophes ou des pénuries alimentaires qui touchent surtout les femmes en zone rurale, il est évident que les politiques de lutte contre le changement climatique négligent les femmes et leurs besoins en matière de santé et de droits génésiques et sexuels (SRHR).

Mme Matundu recommande qu’à l’occasion des réunions internationales comme les conférences sur le changement climatique, notamment, les femmes et d’autres groupes traditionnellement marginalisés soient convenablement représentés afin d’être en mesure d’exprimer clairement leurs problèmes, ce qui facilitera leur prise en compte.

Capture d’écran 2015-12-10 à 11.54.21.pngMiss Oumy à Cœur Ouvert, la directrice de Solidarité International au Sénégal, partage l’avis de Mme Matundu. Selon elle, parmi les projets d’atténuation et d’adaptation que les pays africains devront mettre en place, il y aurait lieu de prévoir des projets orientés spécifiquement vers le renforcement des capacités des femmes afin qu’elles puissent travailler efficacement sur les problématiques liées au changement climatique.

« Au Sénégal, l’impact du changement climatique continue de semer la dévastation et la pauvreté qui l’accompagne pousse nos jeunes à rechercher des prairies plus vertes hors du pays. Nos jeunes hommes risquent leur peau pour passer illégalement en Europe et beaucoup y perdent la vie », se lamente Mme Oumy.

Elle ajoute que l’eau en provenance de l’île de Saloum, au Sénégal, est poussée en permanence vers le continent et que ce processus a provoqué la détérioration de terres autrefois arables à cause des dépôts salins.

Miss Oumy précise également que la terre de l’île est emportée rapidement par les eaux, ce qui réduit la taille des terres habitables. Ce phénomène, ajoute-t-elle, a de fortes répercussions sur la vie des femmes parce que leurs maris les laissent seules et partent en ville chercher un emploi.

Les femmes restent donc à la maison où elles doivent s’occuper des enfants, des malades et des personnes âgées, et survivre dans une pauvreté abjecte.

Malgré ces obstacles et les discriminations dont elles font l’objet, les femmes s’efforcent de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et de s’adapter aux répercussions du changement climatique. Elles innovent sur tous les continents, par l’utilisation de l’agriculture de conservation (qui réduit les besoins en eau et en engrais, et capture le carbone), l’installation de systèmes d’irrigation adaptés, l’approvisionnement à partir de réservoirs d’eau et la création de chaînes de recyclage complètes des déchets.

Pour autant, leurs actions, souvent entreprises à l’échelle locale, ne sont pas évaluées à leur juste mesure et ne sont que trop rarement financées. Parties prenantes très discrètes de ce combat, les femmes ne sont qu’à peine impliquées dans les décisions prises au niveau national ou lors des négociations internationales. Les femmes deviendront encore beaucoup plus efficaces lorsqu’elles seront émancipées et qu’elles exerceront pleinement leurs droits.

Les femmes demandent l’intégration des droits humains et de l’égalité des genres dans l’accord de Paris, mais aussi la promotion de la contribution des femmes et le renforcement de leur participation à tous les niveaux de la lutte contre le changement climatique.

Elles aussi demandent la mise en œuvre concrète de ces engagements, mais en veillant à ce que les projets et les financements consacrés à la lutte contre le changement climatique favorisent l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes.

Cela veut dire tout simplement que les approches de l’adaptation doivent être choisies par les pays, tenir compte du genre, être participatives et pleinement transparentes.

Autre message clé dont les déléguées présentes à Paris souhaitent la prise en considération : l’inclusivité et la transparence de la participation aux processus de prise de décision dans le nouvel accord, pour que tous les obstacles aux mouvements et aux déplacements des participants des pays en développement soient supprimés et pour assurer l’accès de la société civile aux enceintes décisionnelles.


Photos: Mildred Barasa

Traduction en français: André Verkaeren

  • Les opinions exprimées sur ce blog sont exclusivement celles de leurs auteurs. Elles sont publiées en tant que contributions au débat public et ne reflètent pas nécessairement celles de la Fondation de l’Écologie Politique en tant qu’institution.
Sujets abordés :
Partager sur :