A la plage ou sous un arbre pour les chanceux vacanciers, sur une terrasse ou dans les transports en commun pour ceux qui ont dû rester en ville, l’été, c’est bien connu, est propice aux lectures. Si vous êtes tenté pour parfaire votre culture en matière d’écologie mais démoralisé devant la collection d’«Auto & Moto Magazine» de votre oncle ou désemparé face aux têtes de gondoles qui se limitent à 50 nuances bien grises, la Fondation de l’Ecologie va vous aider à trouver les pépites éditoriales qui vont stimuler vos lectures d’été.
Pour vous aider à choisir parmi les linéaires des librairies et des bibliothèques, la Fondation a demandé à plusieurs personnalités du monde de l’écologie de partager avec vous leurs coups de cœur de lecture.
Essais, romans, BD, classiques… il y en a pour tous les goûts. A vous de faire votre choix !
L’essai coup de cœur de PHILIPPE FREMEAUX, directeur des publications d’Alternatives Economiques
Le grand pillage. Comment nous épuisons les ressources de la planète, Ugo Bardi, Les Petits matins, 2015.
Le rapport Meadows, paru voici quarante ans, a largement contribué à faire prendre conscience à ma génération qu’il n’était pas possible d’avoir une croissance matérielle infinie dans un monde fini.
Ce nouveau rapport au Club de Rome, rédigé par le scientifique italien Ugo Bardi, vient nous alerter sur les pénuries annoncées de ressources minérales et dénonce les illusions d’une croissance verte portée par le progrès technique.
A lire absolument, en complément de L’âge des low techs (Seuil, 2014), de Philippe Bihouix (1er Prix du Livre d’Ecologie Politique remis l’année dernière par la Fondation de l’Ecologie Politique)!
Philippe Frémeaux est directeur des publications et président du Conseil d’administration d’Alternatives Economiques. Chroniqueur fréquent sur France Info et France Culture, il est l’auteur de La Nouvelle Alternative ? Enquête sur l’économie sociale et solidaire (2014).
Le roman coup de cœur de VIRGINIE MARIS, philosophe de l’environnement
Le gang de la clé à molette, Edward Abbey, préface de Robert Redford, (Editions Gallmeister, 2013).
Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore ce roman culte de l’environnementalisme américain, je recommande sans réserve Le gang de la clé à molette d’Edward Abbey, publié et retraduit en 2013 chez Gallmeister. C’est l’histoire d’un quatuor aussi improbable qu’attachant d’activistes radicaux en croisade contre la bétonisation du désert et des canyons de l’Utah. On y accompagne avec jubilation un mormon polygame, un chirurgien pyromane, sa jeune et plantureuse maîtresse et un vétéran du Vietnam obsédé par les armes à feu sur les rives de la rivière Colorado. Leur objectif est précis : utiliser les outils de la modernité pour vaincre la modernité, ou, pour le dire plus prosaïquement, saboter méthodiquement trains et bulldozers à grand coup de déboulonnage et d’explosifs.
Au-delà des paysages grandioses et avec un humour corrosif, ce roman publié en 1975 nous interpelle aujourd’hui encore sur la désobéissance et la légalité, sur le déséquilibre inouï du rapport de force qui oppose les protecteurs de la nature à ses destructeurs, sur le sens de l’engagement. Le lecteur familier de la philosophie environnementale reconnaîtra l’érudition d’Abbey qui introduit sans en avoir l’air les concepts clés de cette discipline, offrant par la littérature des arguments souvent plus convaincants que ceux des théoriciens pour défendre la nature sauvage, la wilderness majestueuse et pourtant si vulnérable qui est finalement le personnage principal de ce roman.
Un avertissement tout de même : cette lecture pourrait bien vous donner soif de randonnées dans de vastes paysages et de cannettes de bière au coin du feu, ce qui sera peut-être compatible avec vos projets estivaux ; mais elle risque également de vous donner des envies de dynamite, de course-poursuite à cheval et d’explosion de pont suspendu. C’est donc un livre à lire avec précaution si vous passez vos vacances près d’un futur aéroport, d’un projet de barrage surdimensionné, dans un centre de loisir sous bulle ou dans n’importe quel petit coin de nature que vous aimez et sur lequel lorgnent promoteurs, développeurs et urbanistes en mal d’infrastructures. A bon entendeur…
Virginie Maris est philosophe, chargé de recherche au Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive de l’Université de Montpellier II (CNRS). Elle est l’auteure de Philosophie de la biodiversité : petite éthique pour une nature en péril (Buchet Chastel, 2010) et Nature à vendre (Quae, 2014).
Les romans coup de cœur de CORINNE MOREL-DARLEUX, conseillère régionale Rhône-Alpes
Radieuse Aurore, Jack London, (Libretto, 2005 {1910})
On connait tous, pour l’avoir lu gamin, le London de Croc Blanc, cet émouvant appel de la nature qui souligne jusqu’à la douleur la déchirante dualité entre mondes ‘sauvage’ et ‘civilisé’. Certains se souviennent aussi de Martin Eden, ce visage romantique des amours contrariées par les différences de classe sociale. On connait un peu moins, hors les réseaux militants, le London du Talon de Fer et ses plongées dans les bas-fonds ouvriers où le gin coule à flots pour oublier les maux de la journée…
Mais là où Jack London est le plus beau, c’est quand il combine son expérience ‘in-vivo’ de la question sociale et l’amorce de ce qu’on appellerait aujourd’hui écologie politique. C’est le cas dans Radieuse Aurore, un de ses bouquins injustement méconnus. Radieuse Aurore, c’est un chercheur d’or du début du 20ème siècle, une force de la nature, un homme à la fois brut et généreux, une tête brûlée qui fera l’expérience de l’ambition et de la réussite matérielle, avant de découvrir l’immoralité totale du système. Et comme dans tout grand roman, c’est l’amour d’une femme qui lui ouvrira les yeux et le conduira in fine à prendre la seule décision qui vaille : cesser de courir après la possession et l’accumulation, vivre libres, fiers et heureux.
Les racines du ciel, Romain Gary, (1956).
Avec Le Lion de Joseph Kessel paru en 1958 et hélas toujours considéré à tort comme un livre d’enfant, Les racines du ciel de son ami Romain Gary publié en 1956 constitue le troisième volet d’une trilogie entamée en 1903 avec L’appel de la forêt de Jack London. Trois romans engagés, humanistes, à la fois désabusés et emplis de générosité, qui signent les prémices du roman écologiste. Entre l’ère industrielle du début de siècle de London et les années 50 du grandiose duo Kessel-Gary, les guerres ont dévasté les coeurs et les esprits. Romain Gary a été soldat et résistant, il a combattu sur tous les fronts, dans de nombreux pays. Il a perdu des amis, et vécu à bord des bombardiers l’horreur de la guerre. Cela se ressent dans Les racines du ciel, où se retrouve tout au long du livre en filigrane cette lutte constante entre un pessimisme lucide, le refus de la médiocrité humaine et la volonté de maintenir coûte que coûte espoir et dignité par la lutte et la résistance. C’est l’épopée individuelle d’un homme, Morel, rescapé des camps, qui engagera sa vie à lutter contre l’extérmination des éléphants en Afrique. Loin de se cantonner à la protection de la nature, ce que développe Gary c’est une certaine idée de l’homme, une réflexion sur le colonialisme et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, une aventure humaine où les cyniques et les misanthropes ne sont pas ceux que l’on croit… Et une formidable leçon de courage et de militantisme radical.
Corinne Morel Darleux, Conseillère régionale Rhône-Alpes, Secrétaire nationale à l’écosocialisme du Parti de Gauche, auteure de Nos colères fleuriront (2012, éditions Bruno Leprince) www.lespetitspoissontrouges.org
Le manga coup de cœur d’ALICE LE ROY, journaliste environnementale
L’Orme du Caucase, Jiro Taniguchi, adapté des nouvelles de Ryuchiro Utsumi, (coll. Ecritures, Casterman, 2004).
Tout juste retraité, Monsieur Harada décide avec sa femme de quitter Tokyo pour aller vivre dans une petite ville paisible. La maison qu’ils achètent est plutôt quelconque, mais le jardin, arboré, les enchante. Au moment d’emménager, ils découvrent, horrifiés, que tous les arbres ont été arrachés. Tous, sauf un orme du Caucase, dont les branches s’élancent haut dans le ciel. Monsieur Harada ne se doute pas que cet arbre majestueux va lui causer bien des ennuis …
Le célèbre mangaka Jiro Taniguchi (« Quartier lointain », « L’Homme qui marche ») adapte huit nouvelles, inédites en français, de Ryuchiro Utsumi. Ses personnages ont un point commun : ils se trouvent tous à un tournant de leur vie. Taniguchi nous fait entendre leurs émotions et leurs pensées. Celles de Monsieur Harada contredisent son apparence, celle d’un sage retraité soucieux de ne pas gêner sa famille et son entourage. Mais la silhouette élancée de l’orme du Caucase, l’éclosion de ses bourgeons et le bruissement de ses feuilles vont lui donner le courage de se révolter.
Les histoires dessinées par Jiro Taniguchi font penser aux films, simples et poignants, du cinéaste japonais Ozu, dont Gilles Deleuze disait qu’ils rendaient visibles le temps et la pensée. L’Orme du Caucase, petite fable intimiste, est aussi un des plus convaincants plaidoyers pour l’arbre des villes, dont nous commençons seulement, en ces climats troublés, à comprendre les bienfaits.
Alice Le Roy est co-présidente du Conseil scientifique de la FEP. Journaliste et chargée de cours sur l’écologie urbaine à l’IUT de Bobigny (Université Paris8) après avoir été conseillère à la mairie de Paris sur les questions d’environnement de 2001 à 2010. Elle est co-auteure du film documentaire Ecologie, ces catastrophes qui changèrent le monde (2009) et du livre Jardins partagés : Utopie, écologie, conseils pratiques (éditions Terre vivante, 2008). Elle prépare un livre avec Marc Lipinski et une soirée spéciale pour France 2 sur les effets du changement climatique sur le territoire métropolitain, qui sera diffusée lors des négociations climatiques de Paris, fin 2015.
Le livre jeunesse coup de cœur d’ARNAUD GOSSEMENT, avocat spécialiste du droit de l’environnement
L’Arche de Barbapapa, Annette Tison et Taylus Taylor, (Les Livres du dragon d’or, 1974).
La littérature jeunesse est un outil très puissant d’éveil des nouvelles générations aux enjeux de l’écologie. La série des barbapapas en est l’un des exemples les plus connus. Le livre « l’Arche de Barbapapa » a été publié en 1974 et est toujours d’actualité. Avec peu de mots et beaucoup de dessins, l’auteur, récemment décédé raconte l’histoire de ces êtres doux et sociables, contraints de rejouer l’épisode de l’arche de Noé pour sauver de la pollution des espèces animales. Mais c’est un livre humaniste dont l’auteur parie sur l’intelligence humaine pour que les choses se finissent bien !
L’essai coup de cœur d’ARNAUD GOSSEMENT
No impact man. Peut-on sauver la planète sans rendre dingue sa famille ? Colin Beavan, (Fleuve noir, 2010).
Voici un livre aussi drôle qu’intelligent. L’auteur, journaliste de profession à New-York, décide d’emmener sa famille dans une aventure d’une année : réduire jusqu’à zéro ses déchets. Après avoir ausculté le contenu de sa poubelle, Colin Beavan décide de convaincre ses proches et…lui-même. L’intérêt du livre tient à ce qu’il ne parle pas que d’écologie et des difficultés à consommer sans jeter. C’est aussi le récit d’une aventure humaine, l’auteur décrivant très bien jusqu’aux problèmes de couple que cette expérience a pu susciter. Les déchets en disent long sur notre civilisation mais aussi sur notre rapport à l’autre. Une très belle manière de rendre l’écologie à la fois sérieuse et joyeuse.
Arnaud Gossement, docteur en droit, enseignant à l’Université Paris 1 et avocat spécialiste du droit de l’environnement. arnaudgossement.com
L’essai coup de cœur du Festival du Livre et de la Presse d’Ecologie (Par LILIANE ASTIER ET ISABELLE FAUGERAS)
Je crise climatique. La planète, ma chaudière et moi, Jade Lindgaard, (La Découverte, 2014).
A la veille de la conférence internationale sur le climat qui aura lieu à Paris fin novembre 2015 (COP 21) et dont l’objectif est de limiter les bouleversements climatiques, est-il vraiment facile d’appréhender la question climatique ? C’est un sujet vaste, complexe où il est question d’histoire, de science, de politique, de social, de technique, de vie quotidienne.
Le mérite du livre de Jade Lindgaard est de faire tenir ensemble ces différents éléments et d’en mettre au jour, avec une grande fluidité, le caractère transversal.
Mêlant avec beaucoup d’humour récit personnel, travail d’enquête et analyse, elle propose des clefs de compréhension sans jamais prescrire de comportements ni culpabiliser le lecteur.
Ainsi, elle tisse les liens qui vont de sa chaudière aux énergies fossiles («Ma chaudière est un scandale politique »), ou livre sa propre expérience au fil de chapitres aux titres évocateurs (« Avion : du deal au terminal », « Scène de guerre à l’hyper » …).
Elle livre aussi une observation fine de pratiques dont la remise en cause se perd dans l’entrelacs des dimensions matérielles et symboliques (« Jamais sans ma voiture »).
… « Mais pourquoi diable les gens croiraient-ils que le climat change ? Et encore plus dingue, au rôle qu’ils jouent dans cette affaire ?… S’interroger sur ses besoins, son mode de vie, se vacciner contre la doxa néo libérale, relier crise climatique et justice sociale, fabriquer des contre récits… les interrogations soulevées par Jade Lindgaard à travers ce récit de « désapprentissage » sont nombreuses et stimulantes.
L’écologie dit-elle est l’école de la modestie mais son texte résonne comme une invitation à ne pas assister en simple spectateur à l’histoire du climat qui est en train de s’écrire.
Le « classique de l’écologie » coup du Festival du Livre et de la Presse d’Ecologie (Par LILIANE ASTIER ET ISABELLE FAUGERAS)
Les Trois Ecologies, Felix Guattari, (Editions Galilée, 1989).
… « La planète Terre connaît une période d’intenses transformations technico-scientifiques en contrepartie desquelles se trouvent engendrés des phénomènes de déséquilibres écologiques menaçant, à terme, s’il n’est porté remède, l’implantation de la vie sur sa surface… ».
Ce propos introductif tiré du texte de Félix Guattari intitulé « Les trois écologies» n’a, 25 ans après, rien perdu de son actualité.
Dès 1989, il propose en effet d’aborder dans une perspective « écosophique » les questions écologiques de manière à éclairer les réalités hétérogènes qui les constituent.
L’«écosophie » est ici définie comme une réflexion éthico-politique susceptible d’articuler 3 dimensions constitutives de l’écologie ; le rapport à l’environnement, le rapport au social et l’écologie mentale. Car si ces trois domaines sont distincts du point de vue des pratiques, ils ont un principe commun : la détérioration des rapports de l’humanité à la nature, au social et à la psyché ainsi que les actions qu’elle engage à mener ne peuvent être pensées séparément.
Il n’est sans doute pas toujours simple de suivre la pensée de Félix Guattari mais il n’est pas besoin d’être spécialiste pour saisir ce court texte et ses articulations ; les équivalences sont établies clairement entre les dimensions individuelles et collectives (racisme, nationalismes, phallocentrisme, usinage mass médiatique…) , la critique contre les partis politiques et les instances exécutives est sévère, l’importance des paradigmes esthétiques dans la production de nouveaux territoires existentiels et de pratiques sociales et politiques est vivement défendue… .
En résumé, cet essai nous invite à penser une nouvelle …«façon de vivre désormais sur cette planète… » en nous alertant sur le risque des analyses partielles et compartimentées et en s’efforçant …« d’endiguer la grisaille et la passivité ambiante… ».
Liliane Astier et Isabelle Faugeras sont les co-présidentes du Festival du Livre et de la Presse d’Ecologie dont la 13e édition se tiendra les 17 et 18 octobre 2015 à la Belleviloise (Paris, 20e) sur le thème du climat. http://www.festival-livre-presse-ecologie.org/
L’article académique coup de cœur d’ADAM BAÏZ, président de l’association étudiante ARCADE
«Les indicateurs de développement durable : proposition de critères d’évaluation au regard d’une approche évolutionniste de la décision», Harold Levrel, (Revue Française de Socio-Économie, 2008). http://www.cairn.info/revue-francaise-de-socio-economie-2008-2-page-199.htm
Les indicateurs de développement durable sont essentiels pour mesurer les enjeux environnementaux et les traduire de façon claire, opérationnelle et universelle. Pourtant, la qualité des indicateurs est souvent réduite à leurs dimensions statistiques (pondération, agrégation, marge d’erreur, etc.) aux dépens de leurs pertinences politique et cognitive. Cet article présente l’intérêt de souligner leur importance dans nos systèmes de perceptions et nos mécanismes de décision.
Reposant sur une riche littérature (Boltanski, Thévenot, Crozier, Desrosières, Sapir, etc.), l’article m’a marqué ou inspiré pour ces trois idées au moins :
– au-delà de la distinction rationalité « limitée/illimitée », nous avons sans doute intérêt à interroger notre rationalité « procédurale », celle qui accompagne nos interactions et notre cheminement vers une décision, afin d’évoluer vers des comportements sans cesse plus adaptés à défaut d’être optimaux.
– les dissonances cognitives, qui se produisent dans notre esprit lorsque le résultat espéré d’une action diffère de son résultat effectif, révèlent l’inadaptation de notre comportement au réel. A l’échelle du développement durable, pour modifier les comportements, il est donc capital de faire prendre conscience de nos dissonances cognitives et d’encourager à les annuler en modifiant nos systèmes de représentations.
– enfin, les indicateurs de développement durable comportent des difficultés spécifiques, comme la présence d’incertitudes fortes et permanentes, la multiplicité des interprétations, la multiplicité des acteurs de décision, etc. L’article reprend et synthétise des critères essentiels pour évaluer et améliorer la qualité de ces indicateurs.
Adam Baïz est doctorant aux Mines ParisTech. Il est président de l’association ARCADE, première association française inter-écoles à piloter et organiser des événements communs à plusieurs grandes écoles et universités.
Les essais coup de cœur de SILVIA MARCON, directrice de la Fondation de l’Ecologie Politique.
Les nouvelles luttes sociales et environnementales, Thierry Libaert, Jean-Marie Pierlot, (Vuibert éd., 2015).
Vous-vous étranglez au petit déjeuner quand vous lisez que Monsanto finance la recherche dans les OGM pour réduire la faim dans le monde et l’usage des pesticides ? Vous-êtes outrés quand vous entendez les éléments de langage autour de la précarité énergétique des défenseurs du gaz de schiste ?
En effet, les stratégies de communication peuvent parfois sembler impénétrables et contre-productives (et parfois en effet elles le sont), et peuvent susciter de sérieux doutes quant à leur sincérité. Cependant, il n’y a pas qu’un mode de communication, au contraire les possibilités sont presque infinies, le tout est de connaître sa cible et trouver des alliés.
Sans s’attarder sur la méfiance que les associations entretiennent vis-à-vis des stratégies de communication, cette revigorante lecture va droit au but : les luttes sociales et environnementales gagneraient en efficacité en empruntant les techniques – et les compétences – de leurs adversaires.
Une approche originale et pleine d’espoir pour les luttes socio-environnementales qui opposent écologistes (individus et associations) et grands groupes (entreprises et/ou aménageurs) dans celui que les auteurs définissent dès le départ comme un combat inégal.
Véritable manuel pratique à usage de tout individu ou structure voulant renouveler son action et tirer profit des exemples du passé et des actions déjà achevées, l’ouvrage retrace les principales luttes historiques françaises (à titre d’exemple Larzac et Plogoff, et plus récemment les initiatives autour de l’obsolescence programmée, l’huile de palme et la lutte pour le droit au logement), en analyse le contexte (thème, enjeux et historique) et les stratégies de communication. Il donne également la parole à des nombreux témoins (Jean-Paul Besset, William Bourdon, José Bové, Bruno Genty, etc.) qui livrent leurs expériences et leurs conseils sur les méthodes et les actions les plus percutantes.
De piège et instrument de manipulation, la communication peut-elle devenir une nouvelle flèche à l’arc des mouvements contestataires ? Le livre de Thierry Libaert et Jean-Marie Pierlot met tout en œuvre pour faire des acquis de la communication un levier accessible d’appui au combat écologiste, on ne peut que saluer un tel effort.
Une lecture parfaite pour cette pause estivale. Lisez, bronzez, travaillez vos éléments de langage et revenez plus aguerris, la rentrée va être chargée !
Faut-il donner un prix à la nature ?, Jean Gadrey, Aurore Lalucq, Institut Veblen-Les Petits Matins, 2015
Faut-il donner un prix à la nature ? Cette question revient sans cesse depuis plusieurs années, tant dans le cadre des négociations internationales qui concernent la biodiversité, que dans les cercles des nombreuses organisations, gouvernementales et non gouvernementales, qui tentent de la protéger.
En effet, dans un monde dominé par le langage économique et soumis au protocole d’évaluation coûts/avantages, la monétarisation de la nature et des services éco-systémiques, a d’abord semblé, à plus d’un parmi ses défenseurs , une solution efficace. Soit pour rendre visibles et tangibles les bénéfices qu’elle octroie « gratuitement », ou comme outil de communication voir de négociation, « révolutionnaire », en mesure de révéler la valeur du vivant à ceux qui ne savent pas raisonner en dehors de la feuille de calcul et les convertir ainsi à des modes d’action écologiques.
Une fois achevée la lecture, ceux qui avaient pu croire en cet outil « révolutionnaire » pourront en saisir toutes les limites, tant méthodologiques qu’éthiques, exemples d’inefficacité à l’appui. Mais surtout, ils seront prêts à abandonner définitivement l’idée (certes baroque..) que l’évaluation monétaire pourrait constituer l’outil dominant d’une politique de protection de la nature.
Ceux qui n’ont jamais cru en les vertus de cet outil, disposeront de nouvelles preuves, très solides, pour renfoncer leurs convictions. Mais également d’une douzaine de suggestions sur les conditions qui doivent être réunies pour utiliser efficacement les outils monétaires et les différentes mesures qui peuvent être suggérées dans le cadre d’une politique publique…. tout en restant cohérents par rapport à leurs convictions !
Au fil de pages, les auteurs parviennent à renouveler la question de départ – faut-il donner un prix à la nature ? – en la confrontant aux enjeux démocratiques majeurs, et leurs défaillances, que très souvent les sujets écologiques mettent en exergue.
Une lecture incontournable sur une question centrale pour le mouvement écologiste d’aujourd’hui ; structurante pour l’écologie de demain, contrainte d’anticiper ses difficiles relations avec les acteurs économiques.
Retrouver un compte-rendu de lecture complet de l’ouvrage sur le site de la FEP: http://www.fondationecolo.org/blog/Lecture-Faut-il-donner-un-prix-a-la-nature-de-J.Gadrey-et-A.Lalucq-par-Silvia-Marcon
Silvia Marcon est directrice de la Fondation de l’Ecologie Politique.
Les essais coup de cœur de BENOIT MONANGE, chargé de mission à la Fondation de l’Ecologie Politique.
La Biorégion urbaine. Petit traité sur le territoire en bien commun, Alberto Magnaghi, Eterotopia éditions, 2014.
Alberto Magnaghi, professeur émérite à l’Université de Florence, est le fondateur de l’école de pensée italienne des « Territorialistes ». Ce mouvement d’universitaires adeptes de la recherche-action s’attache depuis le début des années 90 à trouver des solutions opérationnelles aux dégâts humains et environnementaux causés par une urbanisation démesurée, qui s’affranchit des contraintes de son milieu et des besoins des habitants quelle capte.
Dans cet ouvrage qui fait la synthèse de ses travaux, Managhi présente, au travers d’exemples concrets (surtout italiens), les clefs d’une nouvelle conception du territoire à partir de laquelle il est possible de bâtir des « biorégions urbaines ». Les domaines traités sont nombreux, du dépassement du modèle centre-périphérie, au développement des ressources énergétiques locales en passant par la structuration d’un nouveau pacte ville-campagne ou la réflexion sur les systèmes productifs locaux. Avec toujours le souci d’une gestion au plus près des habitants, l’auteur appelant de ces vœux à la mise en place d’un « fédéralisme participatif ». Si la lecture de l’ouvrage est parfois freinée par l’usage de concepts et de termes techniques propres au champ académique, le souci de l’auteur de montrer qu’il existe des solutions pour concilier les contraintes écologiques, sociales et économiques ouvre des pistes de réflexion fécondes pour les militants de l’écologie politique.
On retiendra en guise de synthèse que pour Alberto Magnaghi, gérer les territoires en tant que bien commun doit permettre de « reconstruire des relations de synergies entre les établissements humains et l’environnement ; de promouvoir de nouvelle façons conviviales et sobres d’habiter et de produire ; de valoriser une citoyenneté active, des réseaux civiques et des formes d’auto-gestion des biens communs capables de fabriquer une richesse durable en chaque lieu du monde ». Un beau programme, qui pourrait en inspirer d’autres…
Economie et Biodiversité. Produire et consommer dans les limites de la biosphère., Sous la direction de Marc Barra, Laurent Hutinet et Gilles Lecuir. Préface d’Hubert Reeves, (Victoires Editions, en co-édition avec Natureparif, 2014).
Pas facile de conseiller un ouvrage qui traite sérieusement d’écologie pendant la pause estivale, cet intermède où la météo nous fait plus surement dériver vers les pages de tests des hebdomadaires que vers la production éditoriale issue des débats intellectuels de l’époque. Pour ceux qui voudraient malgré tout s’instruire utilement pendant l’été, on ne saurait trop conseiller l’excellent Économie et biodiversité. Loin des soporifiques manuels d’économie, voici un ouvrage qui sait faire preuve de pédagogie pour démontrer qu’écologie et économie sont intimement liés.
L’ouvrage est structuré autour de six chapitres : 1- Les limites de la croissance, 2 – Les outils de la transition vers une économie écologique, 3 – L’adaptation de l’industrie pour produire autrement, 4 – Le virage agroécologique de la filière alimentaire, 5 – L’aménagement écologique du territoire, 6 – Réussir la transition de l’emploi et de la finance. La lecture, d’un style toujours abordable, est rythmée par des encadrés signés de spécialistes reconnu-e-s (Robert Barbault, Dominique Méda, Jean Gadrey, Geneviève Azam…) et de témoignages d’acteurs de terrain (chefs d’entreprise, responsables d’ONG, dirigeants d’instituts de recherche…). De plus l’ouvrage est richement illustré de photos, schémas et même de dessins humoristiques fort bien sentis signés de l’illustratrice Catherine Beaunez.
Dans les premières pages de l’ouvrage, Robert Barbault exprime son souhait de « réconcilier l’économie avec l’écologie », une fois la lecture terminée on est convaincu que c’est un pari qui peut être gagné.
Benoit Monange est chargé de mission à la Fondation de l’Ecologie Politique
Et pour aller au-delà de cette sélection, vous pouvez consulter notre page de suivi de l’actualité éditoriale 2015: http://www.fondationecolo.org/blog/actualite-editoriale
Image d’illustration: Aldo Leopold en pleine séance de lecture et d’écriture. Source: Fondation Aldo Leopold (www.aldoleopold.org). Pour en savoir plus sur A.Leopold, consultez ‘Qu’est-ce qu’un écologiste?‘ de Catherine Larrère.