L’ouvrage est présenté par Christophe Gilliand, doctorant en philosophie environnementale, et commence par une introduction qui brosse à grands traits le parcours d’André Gorz et retrace ses influences philosophiques (notamment l’existentialisme sartrien et le marxisme). Il explique ensuite l’intérêt de l’article au cœur de l’ouvrage « L’écologie politique entre expertocratie et autolimitation », initialement paru en 1992 dans Actuel Marx. En effet, celui-ci constitue un bon résumé de l’apport théorique de Gorz au mouvement écologiste français : il pose la question « de savoir dans quelle mesure un modèle sociétal bâti sur les principes de l’écologie pourrait constituer l’horizon d’émancipation visé initialement par le marxisme. » Dans ce texte, André Gorz développe deux approches de l’écologie. La première qu’il nomme expertocratie découle de l’écologie scientifique : elle « cherche à déterminer scientifiquement les techniques et les seuils de pollution écologiquement supportables, c’est-à-dire les conditions et les limites dans lesquelles le développement de la technosphère industrielle peut être poursuivi sans compromettre les capacités autoregénératrices de l’écosphère. » Pour le philosophe, cette direction est une impasse parce qu’elle aboutit à « une extension du pouvoir techno-bureaucratique » du fait des mécanismes limitants imposés par l’État et ses représentants (taxes, normes…) et elle dépossède les citoyens de leur fonction politique. Repartant des origines du mouvement écologique qu’il analyse comme étant une défense de la « culture du quotidien », André Gorz estime que notre modèle économique a abouti à une société trop complexe dans laquelle les individus sont trop spécialisés pour saisir le monde qui les entoure et trouver du sens à leur travail. Pour résoudre ce problème, il propose l’autolimitation : « limiter les besoins et les désirs pour limiter l’effort à fournir ». Cette norme du suffisant pourra être la base d’un nouveau projet social qui par la réduction du temps de travail permettra à chacun de travailler mieux et moins et de disposer de plus de temps libre ; temps qui pourra lui-même être employé à développer des solidarités qui rendront les sociétés encore plus indépendantes du marché. Après cet exposé, Christophe Gilliand poursuit la réflexion par des commentaires sur la pensée du philosophe qu’il met en lien avec d’autres penseurs. Grâce à la notion de « monde vécu », il explicite l’idée de nature chez Gorz (1) à qui l’on a reproché une vision trop anthropocentrée et pointe aussi les limites théoriques de son projet. Dans tous les cas, souligne-t-il, le récit de Gorz permet d’ouvrir le champ des possibles et de construire « un autre monde qui puisse faire sens. » Une bonne introduction à Gorz pour celles et ceux qui souhaiteraient être guidé-e-s dans une première lecture d’un texte de ce grand penseur de l’écologie politique.
Meixin Tambay, FEP
Notes
(1) Sur le traitement de la nature par Gorz voir : Adeline Barbin, La nature dans l’écologie politique d’André Gorz : http://www.fondationecolo.org/blog/LA-NATURE-DANS-L-ECOLOGIE-POLITIQUE-D-ANDRE-GORZ