« Il faut poser comme principe, comme limite absolue, que l’on ne peut pas continuer une croissance infinie dans un milieu fini ». (Jacques Ellul)
Jacques Ellul (1912-1994), historien du droit, théologien protestant et sociologue, est surtout connu pour ses travaux sur la technique et la propagande. Avec Bernard Charbonneau (1910-1996), il mérite pourtant le qualificatif de précurseur de l’écologie politique en France pour avoir, au milieu des années 1930, posé les jalons d’une société limitant volontairement sa croissance économique. Sa critique de la raison technicienne préfigure celle de l’artificialisme de la société de consommation menée à partir des années 1960. Sa pensée se trouve par ailleurs à l’origine de la « conversion » à l’écologie de plusieurs leaders écologistes – José Bové, Noël Mamère, Pierre Hurmic, etc. – et de nombreux anonymes œuvrant dans les associations et ONG. L’une des originalités de sa démarche est d’avoir analysé la crise écologique en termes éthique et politique, sur deux registres séparés – sociologique et théologique – mais en relation dialectique.
Le concept de limite se trouve au cœur de l’approche ellulienne de la question écologique, tant au plan sociologique qu’au plan théologique. Il commence par décrire cliniquement les impasses de la société technoindustrielle avant de leur opposer une alternative, une conduite incarnée, un projet à taille humaine. Lorsqu’il s’adresse en propre aux chrétiens, il leur dit que la question de la protection du milieu est inséparable de celle de la puissance technicienne et de la limitation de ses moyens. Pour tenter de conjurer la catastrophe écologique présente et à venir, Ellul met à la disposition de tous une sociologie critique pour limiter la croissance économique et –à destination des chrétiens – une théologie biblique invitant à limiter la puissance technicienne.